L'arrivée de Picandou - la mascotte hérisson - dans la classe

Cette arrivée est modulable en fonction du public : faire plus ou moins long, ou en plusieurs séquences dans la journée, voire sur plusieurs jours.

C’est une marionnette « gant » facile à manipuler et peu encombrante.
Elle arrive en général dans la classe à la mi septembre, quand les enfants commencent à trouver un peu leurs marques et que les plus gros chagrins ont presque disparu (et puis les hérissons ne cherchent-ils pas alors un endroit pour hiberner ?).

Voici dans quelles circonstances, un scénario parmi d’autres à imaginer :

Un matin , les enfants trouvent dans la classe une malle en osier fermée à clé !
Évidemment, les questions fusent : « qu’est-ce que c’est, pourquoi, comment c’est arrivé, qu’est-ce qu’il y a dedans, est-ce qu’on peut ouvrir, c’est peut-être des cadeaux, etc… »
On attend que tous les enfants soient arrivés et on essaie d’ouvrir, en essayant toutes les clés dont on dispose. On va même demander aux ATSEM ou aux voisins de nous prêter leurs clés, sans succès évidemment…
On observe alors, on écoute, on soupèse, on retourne, on émet des hypothèses, jusqu’au moment où un enfant aperçoit une enveloppe accrochée à une poignée de la malle ( que j’ai discrètement fixée à leur insu ).

Sur l’enveloppe est dessinée une clé et le mot « clé » est également écrit : une vraie clé se trouve dans l’enveloppe.

Immédiatement, les enfants comprennent et on peut enfin ouvrir la malle : j’en profite pour faire un grand cinéma et soulever le couvercle avec une certaine inquiétude. On ne sait jamais ! et si c’était…

A l’intérieur, des feuilles jusqu’au ras bord (ou du papier journal chiffonné si je n’ai pas eu le temps de faire ma récolte de feuilles mortes ).

Les enfants restent un peu méfiants et j’en profite pour me proposer pour fouiller ces feuilles.

Avec d’infinies précautions, je retourne les feuilles, je fais durer le plaisir, les enfants sont concentrés, attentifs, partie prenante dans ma mise en scène ( j’aime bien ce côté théâtral de la maternelle, c’est vrai qu’on est souvent en représentation et ce qui est rassurant c’est que les enfants, qu’on pourrait croire blasés par tout ce qui les entoure, restent complètement perméables à ce jeu ). Enfin, je finis par sentir quelque chose et discrètement j’enfile la marionnette sur ma main afin qu’elle puisse sortir et s’animer.

Elle apparaît, fait la timide et finit quand même par se présenter :
… » je m’appelle Picandou et je suis un hérisson. je n’ai pas trouvé de cachette pour passer l’hiver comme mes autres copains hérissons et je voulais savoir si je peux rester avec vous dans votre classe car on m’a dit que vous étiez très gentils « …

C’est évidemment moi qui parle mais les enfants ont les yeux rivés sur la marionnette et prennent son discours très au sérieux. Ils ne me regardent pas, ils sont dans l’histoire.

Ils acceptent avec enthousiasme et veulent embrasser la marionnette, la caresser.

Picandou est adopté !
Mais il s’empresse d’ajouter
qu’il n’aime pas le bruit
que ça lui fait peur
et qu’alors… il se met en boule…

Ce sera un excellent moyen de retrouver
un niveau sonore supportable
dans bien des occasions !…

On lui trouve un endroit dans la classe pour qu’il voit tout le monde, et être vu par tous.

Mais les découvertes ne sont pas terminées … un peu plus tard, dans la journée ou le lendemain, Picandou reprend la parole, remercie les enfants de leur hospitalité, précise qu’il y a d’autres surprises dans la malle.

Je retourne à la découverte et sort une boîte qui contient des bonbons ou des gâteaux : c’est un cadeau de Picandou pour nous remercier.

Mais Picandou me demande de chercher encore et je finis par trouver un deuxième hérisson qui lui, ne « parle » pas .

Picandou explique alors que son petit copain l’a suivi et qu’il voudrait bien savoir comment sont les maisons des enfants : est-ce que les enfants veulent bien l’emmener chez eux chacun leur tour et lui raconter au retour ce qu’ils ont fait ensemble?

Tout ça pour mettre en place des activités de langage : les enfants devront raconter à Picandou ce que son copain a fait avec eux (le copain ne parle pas !). Mais aussi des activités de repérage dans le temps : hier, après, avant, demain, etc…, faire venir la maison à l’école par le biais de photos que les parents vous confient…, des activités de mémorisation…, etc…

Il reste à trouver un nom au copain : les propositions vont bon train et on en profite pour étudier nos propres prénoms.

On les dit, on les écrit (c’est la maîtresse, sous la dictée, pour les petits et les moyens, les grands et certains moyens savent déjà le faire mais on est encore en début d’année), on les reconnaîtra bientôt tous. On écrit « Picandou  » ainsi que le nom donné à son copain avec une photo à l’appui (vive le numérique … ), on fait pareil pour les enfants.
On peut les photographier individuellement avec les mascottes (souvent les petits sont réticents et ne veulent pas toujours se faire photographier, avec les mascottes ça passe mieux ). Penser quand même, lors de votre réunion d’information, à demander aux parents l’autorisation de photographier les enfants et d’utiliser ces photos pour des activités au sein de la classe. Profitez-en aussi pour les mettre au courant de vos projets afin qu’ils jouent le jeu quand la mascotte sera leur invitée.

Dans la journée, quand un enfant a un « p’tit coup de blues », au lieu d’aller chercher son doudou, il va faire un câlin à la mascotte et très vite le panier à doudous est relégué à l’extérieur de la classe.
Ils racontent souvent à Picandou des choses dont ils ne me parlent pas. Ils sont attentifs à son confort en intervenant, quelquefois vigoureusement, auprès de certains de leurs camarades un peu trop bruyants ou agités.

Il fait rapidement partie de leur univers « école » et « maison », car il va participer à toutes leurs activités et être même à l’origine de beaucoup d’entre elles.
C’est peut-être lui qui apportera un album qu’on pourra lire et exploiter …un album qui parle de hérisson, par exemple, comme… « A trois, on a moins froid » !
Je me fais plaisir tous les ans, car ça marche toujours. Je trouve cette activité pleine de ressources, renouvelable en changeant de mascotte, et un excellent moyen de faire passer plein de choses, parfois contraignantes, en douceur.

Je pense que beaucoup de collègues qui utilisent une mascotte se reconnaîtront dans ce récit.

La mascotte part chez les enfants ... comment ?

Tout dépend de l’âge des enfants et de leur maturité :

  • chez les petits, c’est la maîtresse qui pourra décider de privilégier tel ou tel enfant pour qui l’école est encore une grosse difficulté ou un enfant qui a été très longtemps absent ou un nouvel arrivant, mais toujours avec la complicité de la mascotte qui chuchotera à l’oreille de l’adulte le nom de celui chez qui elle veut aller.
    On pourra matérialiser les visites de la mascotte sur une roue avec les photos de tous les enfants de la classe et coller, au fur et à mesure, à côté de chaque nom une photo de la mascotte quand elle part. De cette façon les enfants peuvent visualiser chez qui elle est allée et ceux qui n’ont pas encore eu la joie de l’emmener.
  • chez les moyens et les grands, on peut adopter le tirage au sort : bonne occasion d’écrire son prénom bien lisiblement pour que la mascotte puisse le lire ou bien celle de reconnaître son étiquette. Chaque enfant va déposer son étiquette avec grand soin dans une boîte avec couvercle. Les prénoms tirés au sort seront collés au fur et à mesure sur une affiche où on indiquera la date du départ.
Le jour où la mascotte doit partir, ( je la fais partir le mardi et le vendredi pour que les parents aient le temps d’organiser quelque chose s’ils veulent jouer le jeu) nous nous mettons en place pour « le tirage au sort »: cérémonie très ritualisée et toujours identique.
Cette séquence est encore très théâtrale et les enfants adorent (d’ailleurs, dans leurs jeux libres, on retrouve souvent la reproduction de ce moment).
Je secoue la boîte afin de mélanger les étiquettes, je redemande aux enfants ce qu’elle contient, puis je la recouvre avec un morceau de tissu.
Je montre aux enfants que personne ne peut voir les étiquettes et que seule ma main (ou la main d’une atsem , ou d’un autre enfant) choisit et comme « je n’ai pas des petits yeux aux bouts des doigts…c’est le hasard qui décide » !

Je sors une étiquette, je la regarde mais je ne la montre pas immédiatement … je fais durer le suspens en essayant de faire deviner qui est gagnant.

On peut jouer au portrait:
les enfants posent des questions :
est-ce que c’est une fille?
est-ce qu’il est dans le groupe rouge?
est-ce qu’il a des lunettes ? etc…

Ou bien, on peut décider de jouer avec les prénoms:
je donne la première lettre du prénom,
ce qui va éliminer un certain nombre d’enfants
puis je donne la première syllabe
et ainsi de suite.

A la fin, quand même, lorsque l’heureux gagnant est désigné, je rassure les autres qui sont toujours un peu déçus : je referme soigneusement la boîte en leur rappelant que leur prénom est dedans, prêt pour un autre tirage au sort, et je la confie à la mascotte.

Elle part dans un panier solide avec un classeur à pochettes plastiques dans lesquelles je place les différents récits des enfants, les photos, les souvenirs, les dessins rapportés. Et à la sortie, ces soirs là, rares sont les enfants qui oublient d’emporter la mascotte, c’est un vrai trésor.

Le jeudi et le lundi , la mascotte revient et l’enfant raconte ce qui s’est passé, ce qu’il a fait avec elle, où il est allé. Quelquefois les parents ont des trouvailles extraordinaires et permettent aux enfants de s’exprimer volontiers (pour les petits qui pourraient ne rien vouloir dire, demander aux parents de vous faire un petit compte rendu rapide, cela vous permettra de poser les bonnes questions pour débloquer la situation)

Je suis alors la secrétaire de service et j’écris tout ce qu’on me raconte : cela permet à tous de voir que j’écris (oui, je sais aussi faire ça, avec un stylo et du papier, je ne me contente pas d’apporter de belles affiches faites sur mon ordinateur…) et surtout je vais pouvoir relire exactement ce que j’ai écrit dans cinq minutes, demain, dans trois mois. Mais d’autres personnes pourront aussi lire la même chose, les parents, les grand parents etc … c’est la permanence de l’écrit.

Il ne faut pas s’attendre à des récits extraordinaires surtout au début : certains enfants ne disent que trois phrases « j’ai dormi, j’ai mangé, j’ai joué ». Mais ce n’est pas grave: ils ont parlé devant un grand groupe et c’est l’essentiel. Au fil du temps, les récits vont s’étoffer et ceux des uns inspirent les autres (même s’il y a une part d’invention, au contraire…)

Au fur et à mesure, le classeur va s’épaissir des aventures de la mascotte. Les enfants aiment qu’on leur relise et bientôt vont se les relire tout seul.

Cette activité de langage est souvent le seul moment où j’entends certains enfants mutiques s’exprimer. Elle permet aussi des échanges entre les enfants qui posent des questions à celui qui raconte.

Il ne faut pas attribuer non plus tous les mérites à cette activité car certains enfants ne sont pas receptifs : mais, mêmes ceux là, attendent leur tour avec impatience !

La mascotte est le prétexte pour mettre en place une activité

Ma collègue de CE1 de l’école primaire d’à côté avait envie de faire lire ses élèves devant un vrai public afin de les encourager à lire de façon expressive. Et pour ceux qui avaient plus de difficultés, les encourager à progresser pour aller, eux aussi, chez les MS.(cela leur faisait plaisir de retourner dans leur ancienne classe : à moi aussi, car ils semblaient vraiment en garder un bon souvenir).

Afin de ne pas avoir un trop grand groupe parfois impressionnant pour des apprentis lecteurs nous avions décidé qu’un groupe ( soit 7 enfants à chaque fois) de ma classe irait chez elle pendant que deux de ses élèves viendraient lire un livre aux maternelles à raison d’une fois par semaine. Pendant ce temps, elle lirait un livre au reste de sa classe et à mon petit groupe (au CE1 on adore encore qu’on vous lise une histoire !…)

Je confiai à ma collègue une série d’albums que ses élèves devaient « préparer » mais lui laissai la liberté de l’ordre en fonction de la difficulté de chaque livre et du niveau de ses élèves .

Restait maintenant à trouver le biais qui allait permettre aux deux classes de se rencontrer … bien sûr la mascotte allait nous servir de prétexte, voici comment :

Un matin les enfants arrivent en classe et s’activent normalement quand l’un deux s’aperçoit que le copain de Picandou  (voir la page de l’arrivée) n’est plus là. Il n’est pas parti chez un enfant. On demande à Picandou qui se met à pleurer et nous dit entre deux sanglots ( oui … je pleure bien aussi façon hérisson !…)
« mon copain a disparu dans la nuit et j’ai eu beau l’appeler il n’est pas revenu , aidez-moi à le retrouver, je suis si triste ! « On retourne la classe … personne.
On demande à notre Atsem … elle ne sait pas.
On en profite pour visiter tous les recoins de notre école :
on va voir dans les autres classes … personne n’a vu le copain de Picandou, on va voir dans la salle de jeux, dans la tisanerie, dans les toilettes, dans le dortoir, à la cantine, dans la cour, dans le bureau de la directrice…des endroits pas encore repérés par tous les enfants.

Cela permet ainsi de se familiariser avec des endroits dans lesquels ils ne vont pas tous : le dortoir, la tisanerie, le bureau, la cantine mais également avec des personnes.
Nous interrogeons les adultes de l’école et ceux de la cantine qui sont différents: il faut expliquer ce que nous voulons, décrire le copain
mais nos recherches restent infructueuses.

De notre cour, nous apercevons l’école primaire et si personne ne pense à y aller, Picandou le suggère discrètement.
Nous voilà donc partis , il faut traverser la cour des grands (« …pourquoi y’a pas de jeux ?… ») et aller frapper aux portes… renouveler notre requête. Certains enfants s’enhardissent, le discours est plus rôdé et plus clair.
Enfin nous parvenons à la classe de CE1: la maîtresse a mis ses élèves dans la confidence, il sont ravis de jouer un peu la comédie aux petits.
Les enfants n’ont plus aucune appréhension et se précipitent sur leur mascotte qui trône sur une table.
La maîtresse explique qu’ils l’ont trouvée ce matin et qu’elle était venue dans leur classe car elle avait envie d’écouter des enfants lire …
Nous invitons les grands à venir goûter avec nous pour les remercier (ce sera notre préoccupation pour les jours à venir : faire des gâteaux, des brochettes de bonbons, des sets de table, des lumignons avec des mandarines etc…)

Le jour du goûter ce sont les grands qui nous proposeront de venir dans notre classe nous lire des histoires pour que notre mascotte n’ait plus besoin de se sauver.

Ces échanges de lecture sont très profitables à tous : les primaires sont très fiers de revenir en maternelle en lecteurs et les maternelles comprennent petit à petit qu’ils deviendront comme eux.
Attention les maternelles sont un public très exigeant et si le livre ou les lecteurs ne les intéressent pas, ils n’ont pas d’état d’âme ! Ils boycottent.
La maîtresse de CE1 a donc commencé par envoyer ses bons lecteurs et je suis restée très vigilante pour aider ceux qui avaient encore quelques difficultés.
Les deux CE1 lisent une page à tour de rôle et montrent les illustrations, des vrais pros ! Chaque livre raconté est laissé en classe et nous faisons une affiche avec la photocopie de la couverture du livre, les noms des lecteurs et la date de lecture. Ils peuvent faire l’objet d’une exploitation plus approfondie ou de peintures ou de travail manuel dont on fait cadeau aux grands.
Les CE1 reviennent tous au moins deux fois dans l’année et on peut apprécier leurs progrès.
Nous avons aussi mis en place des échanges TPS/PS et CM ainsi que GS et CP dans le même ordre d’idées.
Avec l’autre école primaire (2 classes CE et CM ) qui est un peu loin géographiquement, nous avons mis en place des échanges mensuels (transport oblige) sous formes d’ateliers jeux que les grands préparent pour les petits: ils préparent avec leurs enseignants (chaque classe à tour de rôle) des jeux de lecture, de mathématique, des parcours de motricité, des jeux d’adresse etc … soit en tout 6 ateliers en rapport avec l’époque ou le thème de vie du moment (en concertation avec les collègues pour adopter les préoccupations de l’une ou l’autre école : les primaires peuvent ainsi approfondir leurs connaissances en essayant de les adapter aux petits ou s’informer de ce que les maternelles font. )

Le jour dit, nous partageons tous les enfants de maternelle en six groupes mixtes PS/MS/GS sous la responsabilité d’un adulte (les 3 enseignantes de maternelle, nos 2 atsem et le collègue de primaire). Ce mixage permet aux maternelles de s’entraider, de prendre plus en considération les plus petits qui réussissent mieux dans certaines activités

Les primaires se répartissent dans les classes, la salle de jeu, le hall, la tisanerie, pour y installer leur atelier et se chargent de le gérer (explication du jeu, règles à observer, bonne participation des petits)

Chaque groupe dispose d’une feuille de route avec l’ordre dans lequel il doit passer dans les divers ateliers proposés afin d’éviter la pagaille et des attentes trop longues.

Au fur et à mesure des interventions, les primaires affinent leurs jeux, tirent les leçons de certains échecs pour répondre aux possibilités des maternelles (moins longs, avec des niveaux de difficultés différents en fonction de l’âge, des dessins plus appliqués, des écritures plus lisibles, des explications plus claires). Nos collègues nous rapportent que leurs élèves sont très demandeurs et s’investissent beaucoup dans ces activités. Quand aux maternelles ils attendent leur venue avec impatience : c’est aussi un moyen de retrouver l’espace d’une matinée une grande sœur, un voisin, un ami.

Les grands prévoient souvent une récompense pour certains jeux : un bonbon, une image, un podium pour des applaudissements, et personne n’est oublié car les mascottes font partie de la fête.
Un goûter commun préparé par les maternelles termine ces matinées riches en échanges en tous genres.